La Cour de justice de l’Union européenne est la garante du respect du droit européen, mais également de la normalisation de son interprétation dans l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. Créée en 1952 par le traité de Paris, la Cour de justice européenne est également compétente pour sanctionner les institutions de l’UE pour non-respect des différentes dispositions du droit communautaire. Focus sur cette institution phare dans l’organisation de l’Europe.

Qu’est-ce que la CJUE ? Où est son siège ? Comment sont nommés ses magistrats ?

La Cour de justice européenne est l’institution judiciaire de l’Union européenne. Cette institution majeure de l’Union est compétente dans l’examen des litiges intracommunautaires et veille à ce que le droit européen soit interprété et appliqué de la même manière dans l’ensemble des États membres de l’UE. Siégeant à Luxembourg-ville, la CJUE est composée de 28 juges, à raison d’un magistrat par État membre, ainsi que de huit avocats généraux qui expriment des avis justifiés sur les affaires européennes pour accompagner la CJUE dans la prise de décision. Juges et avocats généraux doivent justifier de certaines qualifications pour aspirer à représenter leur État dans la Cour de justice européenne. Pour garantir leur indépendance et leur intégrité, la CJUE leur impose de n’exercer aucune autre fonction, qu’elle soit de nature administrative ou politique, rémunérée ou à titre gracieux. Les juges et les avocats généraux sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres pour un mandat renouvelable de 6 ans.

La CJUE à la lumière des traités européens

La Cour de justice européenne a été créée en 1952 par le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), signé à Paris en 1951. Le traité a confié à la CJUE fraîchement établie dans la capitale luxembourgeoise la mission de veiller au respect des règles établies par le traité dans les pays qui l’ont ratifié. En 1957, la ratification du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) et du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) a considérablement élargi les compétences de la CJUE, ce qui lui a permis de devenir une entité véritablement supranationale dotée d’un vaste champ d’action. L’Acte unique européen (AUE) de 1986 ainsi que la modification des trois traités précédents ont créé le Tribunal de première instance pour aider la Cour de justice de l’Union européenne à faire face à l’augmentation constante du nombre d’affaires qui lui sont soumises pour examen chaque année. En 1992, le traité de Maastricht a établi les nouveaux « piliers » de l’Union européenne qui, en raison de préoccupations concernant l’activisme judiciaire, ont été exclus de la compétence de la CJUE. Les traités modificatifs ultérieurs, notamment celui d’Amsterdam entériné en 1997, ont toutefois étendu à nouveau la compétence de la Cour de justice européenne au pilier « justice et affaires intérieures ».

Les formes d’intervention de la Cour de justice de l’Union européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a joué un rôle très important dans le processus d’intégration européenne. Sa jurisprudence n’a cessé de renforcer les compétences de l’Assemblée de l’UE au niveau supranational au détriment des États membres. La CJUE a toujours été critiquée pour avoir cet activisme pro-intégrationniste, sans que ces critiques ne remettent en cause sa raison d’être. Au cours des dernières années, l’environnement de l’intégration juridique a changé, et la CJUE statue de plus en plus vite sur des questions politiquement sensibles, dans un contexte où le projet d’intégration en tant que tel est de plus en plus contesté, notamment après le Brexit et la montée des populistes dans certains pays européens. Les spécialistes de l’intégration juridique s’attendaient à ce que les critiques régulières et virulentes conduisent à une modification ou à un rôle moins important de la CJUE dans le processus d’intégration. Cela ne s’est pas produit. Car bien qu’il y ait eu beaucoup de controverses sur certaines décisions récentes de la CJUE, elles n’ont jamais dépassé le stade national. La CJUE défend les traités et veille à ce que le droit européen soit interprété et appliqué de la même manière dans toute l’UE par le biais de diverses formes d’action en justice. En voici une synthèse non exhaustive :

#1 Les décisions préliminaires de la CJUE

Pour éviter les divergences d’interprétation du droit communautaire par les juridictions nationales, la procédure préjudicielle permet la coopération entre les juridictions nationales et la CJUE. Si une affaire portée devant une juridiction nationale implique l’interprétation d’une disposition du droit communautaire et qu’il existe un doute raisonnable dans cette interprétation, la juridiction nationale de l’État membre renvoie la question à la Cour de justice européenne pour qu’elle statue. La CJUE se prononcera sur la manière dont le droit devrait être interprété ou appliqué et transmettra cette décision à la juridiction nationale dans un souci de « pédagogie ». La juridiction nationale doit alors appliquer cette décision à l’affaire dont elle est saisie.

#2 Les procédures pour manquement à une obligation de la CJUE

La Commission ou un État membre peut engager une procédure devant la CJUE pour contraindre un autre État membre à se conformer au droit communautaire. Si la CJUE décide que l’État membre en question est en faute, il devra rectifier la situation sans délai et sans conditions.

#3 La procédure en annulation de la CJUE

Un État membre, la Commission Européenne, le Conseil de l’Union européenne ou le Parlement européen peuvent demander l’annulation d’une loi communautaire. Cela peut se produire si une institution de l’UE adopte une loi qui entre en conflit avec les traités de l’UE. Si la CJUE reconnaît que le droit litigieux est contraire aux traités signés, elle déclare le droit nul et non avenu. Les citoyens européens peuvent également introduire un recours en annulation d’une loi communautaire s’ils peuvent démontrer que la loi litigieuse les affecte directement et individuellement. Pour intenter une action en annulation, le citoyen européen doit obtenir un avis juridique et/ou une représentation. Il n’est pas nécessaire de passer par les tribunaux nationaux pour intenter une action en annulation devant la CJUE. Si le citoyen européen perd l’affaire devant la CJUE, il pourra être tenu de payer des frais de représentation aux parties concernées. Si son action aboutit à une issue favorable, ses frais seront payés par l’UE et la loi sera déclarée nulle et non avenue dans l’ensemble des pays de l’UE.

L’objectif ultime de l’Union européenne a toujours été l’intégration économique et politique. Cela n’a toutefois pas empêché la Cour de justice européenne de statuer sur de nombreux cas qui traitent des droits fondamentaux, notamment au sujet de la liberté d’expression comme l’affaire Defrenne contre Sabena ou encore Prais contre le Conseil européen, ainsi que sur des affaires en lien avec la légalité des mesures antiterroristes prises par les Etats membres de l’UE.

La relation de la CJUE avec les autres institutions européennes

La Cour européenne entretient une relation unique avec le Conseil, la Commission, le Parlement et les États membres, qui restent les principales parties des affaires portées devant les magistrats. Curieusement, et bien que la Cour ait souvent statué contre la Commission européenne, cette dernière n’en reste pas moins un allié de circonstance. La Commission et la Cour européennes collaborent étroitement pour promouvoir l’intégration économique, notamment par le recours aux procédures d’infraction et aux instruments de la politique de concurrence.

De même, la Cour et le Parlement partagent une vision intégrationniste et supranationaliste commune. Ainsi, la Cour européenne a généralement promu les intérêts institutionnels du Parlement, notamment dans l’affaire Isoglucose qui avait vu le Parlement européen remporter son affaire en justice et faire annuler une décision juridique de l’UE pour vice de forme : le Conseil avait en effet omis d’attendre l’avis du Parlement européen avant la promulgation d’une loi. La Cour a également corrigé l’anomalie selon laquelle, en vertu de l’article 173 initial, le Parlement ne pouvait pas engager de procédure de contrôle juridictionnel des actes communautaires, disposition qui semblait particulièrement incongrue après que le Parlement eut obtenu un pouvoir législatif accru dans l’Acte unique européen. Aussi, dans l’arrêt déterminant de l’affaire Tchernobyl, la Cour a décidé que le Parlement devait avoir le droit de prendre des mesures contre le Conseil et la Commission dans les affaires impliquant des prérogatives parlementaires pour assurer l’équilibre institutionnel résultant de l’Acte unique européen. En conséquence, le Traité de Nice étendait davantage le droit de recours du Parlement devant la Cour. Sur le plan institutionnel, le Conseil défend les intérêts nationaux dans le système de l’UE, tandis que la Cour défend la supranationalité. Historiquement, la Cour a fait l’objet de critiques virulentes de la part du gouvernement allemand pour certaines décisions jugées « préjudicielles » protégeant les droits des immigrants italiens et non européens contre l’État allemand.

La CJUE et la perte d’autonomie dans la gestion économique des États membres

L’ampleur exacte de la perte d’autonomie des États membres dans la gestion de leur économie n’a jamais été et n’est toujours pas estimée, puisque la CJUE a développé ses pouvoirs de renforcement du marché communautaire et de supervision des entreprises de manière lente et progressive. La transformation de l’article du Traité de l’UE concernant la libre circulation des capitaux, qui prescrit seulement de manière très imprécise que « toutes les restrictions à la circulation des capitaux entre les États membres sont interdites » (article 63 du TFUE) en un instrument permettant de renforcer les droits des actionnaires au détriment des autres parties prenantes est le résultat cumulé d’un processus progressif (et non encore achevé) d’interprétation judiciaire orientée vers la vision de l’intégration économique de l’Union.

Lorsque la mesure de la libre circulation des capitaux est entrée en vigueur avec le traité de Maastricht en 1992 (en tant que condition essentielle à l’achèvement de l’Union monétaire européenne), le sens exact des deux termes clés, à savoir « restriction » et « capital » n’était pas clair et devait être interprété. Au moment de la signature du traité de Maastricht, un accord européen sur les grandes questions de contrôle des entreprises était tout simplement inenvisageable au vu de la divergence des opinions entre les dirigeants européens de l’époque. Le désaccord sur la question a même été l’une des principales raisons de l’introduction du principe de subsidiarité dans l’accord de Maastricht. A la fin des années 1990, avant les premières décisions sur l’Action Spécifique (ou Golden Share), la CJUE avait précisé la signification des termes « capital » et « restriction ». En ce qui concerne le « capital », la Cour a utilisé l’annexe de la directive 88/361 comme document de référence. Cette directive, adoptée en 1988, était la dernière d’une série d’amendements réglementant les mouvements de capitaux en Europe avant le traité de Maastricht. Afin de faciliter l’application de la directive, une annexe a été ajoutée, énumérant toutes sortes de mouvements de capitaux. En ce qui concerne la « restriction », la CJUE a estimé que ce terme signifie plus qu’une interdiction de traitement inégal ou discrimination en matière de nationalité. Au contraire, l’interdiction des « restrictions » implique également que toutes les réglementations nationales qui sont non discriminatoires mais susceptibles de rendre la libre circulation des capitaux compliquée ou moins attrayante ne sont pas autorisées (sauf si elles peuvent être justifiées).

Qui est le président de la Cour de justice de l’Union européenne ?

Le professeur Koen Lenaerts a été réélu pour un deuxième mandant en 2018 en tant que président de la Cour de justice de l’UE. Koen Lenaerts est né en 1954 et a étudié le droit à la l’Université de Leuven (Belgique) et à Harvard University. Il est professeur titulaire de droit européen à l’université de Leuven depuis 1983. En 1990, il a fondé l’Institut de droit européen. De 1989 à 2003, il a été juge au Tribunal de première instance des Communautés européennes. Depuis 2003, il est membre de la Cour de justice de l’Union européenne, d’abord en tant que juge, puis en tant que vice-président depuis 2012. Il est resté professeur titulaire à temps partiel.