L’Autorité bancaire européenne quitte Londres

L'autorité bancaire européenne quitte Londres

Une partie importante de l’importance de Londres dans l’univers de la finance européenne s’est discrètement effacée, dans le contexte compliqué d’un Brexit qui tarde à entrer en vigueur. L’ABE (Autorité bancaire européenne) a officiellement fermé son bureau de Canary Wharf, sans communiqué de presse, sans communication officielle et sans déclaration tonitruante, se contentant d’une brève laconique sur son site internet. La nouvelle ABE a déjà rouvert ses portes à Paris.

L’EBA et l’EMA déménagent

Le déménagement de l’EBA est bien sûr la conséquence du Brexit. Début 2017, Theresa May, le Premier ministre du Royaume-Uni, a annoncé que le Royaume-Uni mettrait fin à la compétence de la Cour de justice européenne (CJUE) au Royaume-Uni et quitterait le marché unique de l’UE. À partir de l à , le départ éventuel de l’EBA, avec l’Agence européenne des médicaments (EMA), était acté. Le Royaume-Uni s’est efforcé de s’accrocher à l’initiative TSA. Le Département pour la Sortie de l’UE (DexEU) a affirmé que l’avenir des institutions européennes basées à Londres était encore « une question à négocier »… mais les Européens ont un autre avis. L’ABE est une institution du marché unique relevant du droit communautaire. Elle ne pouvait en aucun cas rester dans un pays qui quittait le marché unique et reniait la juridiction de la CJUE.

La décision de Mme May a été le premier, durant les négociations du Brexit, des nombreux coups portés à la City de Londres. De nombreuses personnes pensaient, à ce moment, que les droits de passeport pour le marché européen seraient conservées par les institutions financières. Le déménagement de l’EBA ne semblait donc pas dramatique. Aujourd’hui, plus de deux ans plus tard, il n’y a toujours pas d’accord à même de protéger l’accès actuel des institutions britanniques à l’UE.

L’après Theresay May n’a pas levé les incertitudes

Certes, il n’y a pas encore d’accord sur quoi que ce soit, et le Royaume-Uni n’a pas encore juridiquement quitté l’UE. Mais la position du Royaume-Uni à l’égard de Brexit s’est considérablement durcie. Les élections européennes ont vu l’opinion publique se polariser entre les options de « quitter l’UE sans accord » et « ne pas partir du tout ». Mme May, dont la tentative de plaire à tout le monde a fini par ne plaire à personne, a été « chassée » du pouvoir. Les premiers à lui succéder préféreraient tous quitter l’UE sans accord plutôt que d’accepter le filet de sécurité irlandais.

La menace croissante d’un Brexit sans accord a pris tout le monde de cours. Selon les cabinets de conseil, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à créer des filiales dans les pays de l’UE, les dotant d’un effectif limité qu’elles forment en attendant la décision finale des autorités britanniques. Le départ de l’ABE bien avant le Brexit doit être considéré dans ce contexte. Le secteur bancaire européen s’éloigne de Londres. Au moment où le Brexit deviendra une réalité, Paris, Luxembourg, Francfort et Dublin verront les IDE en provenance de Londres exploser.

L’ABE à Paris : un pas de plus vers l’Union bancaire européenne

Du point de vue de l’UE, le transfert de l’ABE à Paris arrive à point nommé. En effet, la question de l’Union bancaire européenne revient sur la table et devrait constituer le principal défi de la prochaine décennie.

Les mesures réglementaires introduites depuis la crise financière de 2008 comme le mécanisme de surveillance unique s’appliquent aux banques dans l’ensemble de l’UE, y compris dans les pays non membres, comme le Royaume-Uni. Mais l’Union bancaire européenne est une initiative de la zone euro : si les pays non membres de l’UE peuvent effectivement y adhérer, ils ne pourraient bénéficier de l’assurance commune des dépôts et du soutien budgétaire de dernier ressort.

Comme l’ABE est responsable de la définition et de l’application du règlement unique régissant les banques européennes et qu’elle gère les tests de résistance des banques européennes, elle aura inévitablement un rôle central dans l’Union bancaire européenne. Son transfert dans un pays du cœur de la zone euro est donc judicieux, même dans le cas peu probable où le Royaume-Uni ne quitterait jamais l’UE.